Son cerveau a choisi pour elle
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Son cerveau a choisi pour elle

Chapitre 3 :
La réaction au traumatisme

« Lorsqu’ils sont menacés ou blessés, tous les animaux pigent dans une bibliothèque » de réactions possibles. Nous orientons, nous défions, nous plongeons, nous nous raidissons, nous nous appuyons, nous rétractons, nous luttons, nous fuyons, nous gelons sur place, nous nous écroulons, etc. Toutes ces réactions coordonnées sont somatiques : ce sont des choses que fait le corps pour se protéger et se défendre. »
– Peter Levine

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Lorsqu’une femme sent le danger ou qu’elle est attaquée, son corps envoie des signaux automatiques à son cerveau pour avertir son système nerveux qu’il y a une menace à sa sécurité et une cascade de réactions de défense neurobiologiques se met en place ce qui se résume souvent simplement par « bats-toi ou enfuis-toi ». Une femme ne choisit pas quelle réaction est initiée durant une attaque, mais elle peut ressentir de la culpabilité, de la honte, de la confusion et de la colère pour ne pas avoir réagi d’une certaine manière lors d’une violente attaque. Il arrive souvent que les survivantes se fassent poser des questions sur leurs actions ou leurs réactions physiques lors d’une attaque. Même des décennies après un incident traumatique (comme de l’abus sexuel dans l’enfance) une odeur, une image, un son, un toucher ou un goût peut déclencher des fragments de souvenirs et initier une réaction en cascade chez une femme plus âgée. Cette réaction au traumatisme peut effectivement altérer la partie rationnelle, logique et pensante du cerveau, qui devient encore plus confuse en raison des circuits de l’attachement qui sont activés en même temps que les circuits de la peur lorsqu’une femme vit de la violence de la part d’une personne qu’elle connaît et en qui elle a confiance. Les circuits de l’attachement suppriment également les circuits de défense d’une femme.

Les étapes de la survie

Arrêter, regarder, écouter – Le système nerveux parasympathique de la femme ralentit son coeur pendant que son système nerveux sympathique prépare ses muscles pour l’action.

Se battre ou prendre la fuite – La femme est en hyperéveil. Son système nerveux sympathique la prépare à fuir ou, si la fuite est impossible, à se battre. Sa fréquence cardiaque et sa respiration s’accélèrent. Le sang afflue dans les muscles de ses bras et de ses jambes.

Être effrayée – La femme panique, se sent nauséeuse et étourdie. Ses systèmes nerveux sympathique et parasympathique sont tous les deux très actifs, ce qui pourrait la faire agir abruptement.

Signaler – L’étape du désespoir. Le système nerveux parasympathique de la femme prend le dessus. Sa fréquence cardiaque et sa tension artérielle baissent. Ses « circuits d’incarnation » – le système de son cerveau qui lui permet de sentir son corps – sont compromis. Elle pourrait avoir de la difficulté à bouger. Elle pourrait se sentir engourdie ou séparée de son corps. Nous appelons cet état de déconnection « hypoéveil ».

S’évanouir – Si la menace ne s’arrête pas, une poussée parasympathique pourrait ralentir la fréquence cardiaque d’une femme, réduire le débit d’oxygène dans son cerveau et interrompre les signaux de son tronc cérébral qui maintiennent sa tonicité musculaire. Cette interruption peut rendre la femme immobile ou faire qu’elle s’écroule. Le terme immobilité hypotonique décrit cette réaction. (Follette, Briere, Rozelle, Hopper, Rome, 2014; Kozlowska, Walker, McLean, Carrive, 2015; Schwartz, 2016).

La dissociation, l’immobilité tonique et hypotonique

La dissociation est la façon dont le cerveau déconnecte le corps d’une expérience traumatique ou des effets d’un traumatisme.

Les hormones secrétées lors d’un traumatisme

Les réactions hormonales au traumatisme peuvent apparaItre immédiatement après le traumatisme ou plusieurs heures ou jours plus tard (Smith, 2017).

GELER - Opiacés ou oxitocine pour réduire la douleur physique et augmenter les sentiments positifs.

FUIR OU SE BATTRE - Cortisol et catécholamines pour augmenter l’énergie et l’adrénaline.

Ce phénomène est courant chez les survivantes de traumatisme et il peut souvent être confondu avec l’intoxication, le refus de coopérer et la tromperie. Les femmes qui ont vécu une peur extrême, un contact physique avec un agresseur, de la contrainte physique ou une impression que cela est inévitable pourraient aussi avoir une immobilité tonique durant une agression.

L’immobilité tonique (gelée par la peur) se produit quand une personne (on le voit aussi chez les animaux comme le chevreuil, les requins, les souris et les lapins) est extrêmement effrayée et qu’elle devient immobile, les membres rigides, comme gelée et qu’elle maintient cette position.

L’immobilité tonique peut inclure le regard fixe ou déconcentré, des sensations de froid, un évanouissement et de l’engourdissement ou de l’insensibilité à la douleur. Il peut y avoir des périodes intermittentes où les yeux sont fermés. Une femme peut être gelée par la peur, incapable de bouger ou de parler, mais être alerte et consciente ou elle peut faire l’expérience de la dissociation. Cela peut durer des secondes ou des heures et se terminer soudainement. Dans des causes d’agressions à caractère sexuel, on a déjà désigné ce phénomène comme une « paralysie provoquée par le viol ».

Immobilité tonique
Tonic immobility: deer in headlights
Immobilité hypotonique
Collapsed immobility: deer playing dead

L’immobilité hypotonique est souvent désignée comme « faire le mort » même si cette description est inexacte puisque le cerveau a choisi cette défense. Elle se caractérise par une diminution de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et par la réduction d’oxygène au cerveau rendant la personne incapable de parler ou de bouger, en plus de lui faire perdre sa tonicité musculaire. En cherchant un sens à une agression bouleversante et terrifiante, une survivante pourrait dire qu’elle a prétendu dormir, qu’elle s’est évanouie ou qu’elle a perdu la carte pendant l’attaque.

Plusieurs femmes vivent une immobilité tonique lors d’une agression sexuelle ou physique, une paralysie qui dure des secondes, des minutes et même des heures. Pendant ce temps, la femme ne peut pas parler ni bouger, mais elle demeure alerte. Après l’agression, il se peut qu’elle se blâme elle-même de ne pas avoir résisté.

Une femme qui a survécu à une agression peut dire qu’elle se sent « perdue », « engourdie » ou « déconnectée ». Lui faire comprendre que ce sont des réactions naturelles que vivent plusieurs survivantes de traumatisme peut l’aider à se sentir soutenue et moins seule et à espérer que ses sentiments de déconnection et d’engourdissement puissent changer.

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Matière à réflexion :

  • Est-ce qu’une femme vous a déjà raconté qu’elle avait été incapable de bouger pendant une attaque ? Comment se sentait-elle en essayant de se rappeler de l’attaque ?
  • Quels facteurs seraient importants à considérer dans votre ton de voix, votre comportement, vos gestes et votre espace physique quand vous êtes avec une femme qui a vécu un traumatisme complexe ?